Anathema

I've lost my mind.

http://anathema.cowblog.fr/images/jev.jpg"Lili, take another walk out of your fake world ... Please put all the drugs out of your hand. You'll see that you can breathe without no back up. So much stuff you've got to understand. For every step in any walk, any town of any thought. I'll be your guide. For every street, of any scene, any place you've never been, i'll be your guide. Lili, you know there's still a place for people like us. The same blood runs in every hand. You see it's not the wings that makes the angel. Just have to move the bats out of your head. For every street of any scene, any place you've never been, i'll be your guide. Lili, easy as a kiss we'll find an answer. Put all your fears back in the shade. Don't become a ghost without no colour. Cause you're the best paint life ever made ..."


Je me rappelle de ce jour comme si c'était hier. La veille, elle m'avait appelée, me suppliant de l'emmener au commissariat. & puis, ce jour là, elle m'a dit qu'elle avait besoin de sortir, d'oublier ce qu'il lui avait fait. Alors, je lui ai proposé d'aller faire la fête dans ce bar que je fréquentais régulièrement. Des rires, de la musique, deux, trois, quatre bouteilles. Je ne marchais plus droit & elle sentait sa tête tourner. Je lui ai proposé que l'on s'en aille avant qu'elle ne se sente mal.
Lorsqu'elle est sortie du bar, elle n'arrivait plus à marcher correctement. Elle a glissé de mon épaule, & s'est étalée sur la route, vomissant tout ce que son estomac contenait. Elle pleurait. Elle hurlait. "Il avait pas le droit de me faire ça. J'avais treize ans. Il m'a prit ma vie. Je le hais. Tous les soirs quand je m'endors, je vois ces images dans ma tête. J'en peux plus, si tu savais comme j'en peux plus. S'il te plait, me lâche pas. Reste auprès de moi. J'ai besoin de toi. T'es forte, t'es belle, tu réussi. T'es tout. T'es tout ce que je ne suis pas. Je t'aime. Si tu savais comme je t'aime. Je veux pas que tu me lâches."
Je maquillais ma voix, me voulant rassurante & forte pour supporter tous ses cris, lorsqu'elle m'a confié : "Je veux pas que tu m'en veuilles. J'ai pris des médocs avant de venir. " Alors, j'ai appelé les pompiers. Elle hurlait lorsque je lui lâchais la main. "Non reste avec moi. Je t'en pris reste avec moi. J'ai trop peur quand t'es pas là." Alors je lui serrais la main, fort, si fort que je lui griffais les poignets. J'essuyais ses larmes avec mon pouce & je lui glissais entre deux sanglots : "Il faut que tu sois forte, Lili. Il faut que tu sois forte. Je t'aime, Lili." 
& j'explosais intérieurement. Non, je suis pas belle, je suis pas forte, je ne réussi pas. Non, je ne suis pas tout ça. Je suis juste une pauvre petite fille totalement paumée qui ne sait plus quel chemin prendre. Je ne suis pas celle que tu penses, Lili.
Je souriais aux pompiers. Je répondais calmement à leurs questions. Son nom, sa date de naissance, les traitements qu'elle prenait, comment on s'était rencontrées, ce qui lui était arrivé. Tout. Mais lorsqu'il m'ont demandé si j'allais bien, je les ai regardés, sans un mot. Alors, ils m'ont demandé si je voulais en parler. J'ai répondu que non. Il était déjà quatre heures du matin, je reviendrais la chercher demain.
Elle s'est endormie & je lui ai lâché la main. Je suis rentrée chez moi & j'ai éclaté en sanglots, à l'abri des regards.
Qu'est-ce que j'aurais pu leur dire ? Que j'aurais pu le voir venir ? Que j'ai rien fait ? Que je suis irresponsable de l'avoir laissé boire vu dans l'état dans lequel elle était ? Que moi-même, j'étais à sa place un an auparavant ? Que j'ai pas été assez attentive à chacun de ses mots, de ses actes ? Que je ne lui ai pas assez dit que je tenais à elle ?

 
http://anathema.cowblog.fr/images/shutterislandtrailer1image6grandformat.jpg"- Mais au sens figuré dieu aime la violence, vous comprenez cela n’est-ce pas ?
- Non. Non je ne comprends pas.
- Pourquoi y en aurait-il autant sinon ? Elle est en nous. Elle vient de nous. Elle est encore plus naturelle pour nous que le simple fait de respirer. Nous déclenchons des guerres. Nous faisons des sacrifices. Nous pillons, nous déchirons la chair de nos frères ? Nous remplissons de cadavres pourrissants d’immenses champs de bataille. Et tout cela pourquoi ? Pour lui montrer que nous avons retenu ses enseignements."
 

& puis un jour, la muette eut neuf ans. Aucun mot ne sortait de sa bouche mis à part des sanglots étouffés & les chansons qu’elle écoutait. Elle prenait son micro & chantait par-dessus les voix des artistes. & elle se sentait bien ainsi.
Elle vivait dans son petit cahier qu’elle prenait bien soin de cacher à tous ceux qui l’entourait. Les voix parlaient pour elle, dans sa bulle bien cloisonnée. Alors, elle écrivait tout ce qu’elles lui disaient. Des textes, des chansons, des dessins. Remplir les pages blanches, c’est tout ce qu’elle faisait de sa vie. Vider, toujours tout vider ce qu’il y avait à l’intérieur. & ne plus se remplir.
C’est ce qu’elle décida. Son corps se mit à refuser la nourriture qu’on lui tendait. Ça ne passait plus dans sa gorge, elle y avait fait un nœud. Son estomac n’existait plus. Retournée à l’état de nourrisson, elle n’avalait plus que de la purée, de la compote & des yaourts. Toujours en petite quantité. & la nutrition devait toujours se faire à l’état liquide, tel de l’eau. Lisse & sans morceaux.
Sa génitrice, inquiète, se mit à la questionner. La muette ne comprenait pas, elle ne s’était jamais intéressée son bien-être. Elle refusait de répondre, honteuse de cette entrée par effraction dans son monde. & elle retournait dans sa chambre, écrire dans son petit cahier.
& puis la mère, voyant que cet état perdurait, se mit à s’inquiéter. A crier lorsque la petite ne voulait pas avaler. Lorsqu’elle recrachait le tout dans les toilettes. La petite pleurait. Elle n’avait rien fait de mal, pourtant. Elle montait sur la balance & voyant qu’elle maigrissait jour après jour, le sourire apparut sur ses lèvres. Elle hurlait de joie « Maman, j’ai maigri ! » & la mère esquissait un sourire & lui disait que c’était bien. Alors, la petite continuait à refuser de s’alimenter.
Quelques jours plus tard, la mère décida d’emmener la muette chez le médecin. Il ne trouva rien & l’orienta vers des spécialistes. Pendant des semaines, la muette se voyait questionnée par des inconnus en blouse blanche, & elle refusait de répondre à leurs questions. On lui fit tous les examens possibles & imaginables. Radio, échographie. Le goût du liquide fluorescent qui descend dans la gorge pour regarder s’il n’y a pas quelque chose qui coince était si immonde, qu’elle faillit en vomir. Ils ne trouvèrent rien.
Un matin, la mère éclata en sanglots devant l’un d’eux. Il demanda gentiment à la petite de sortir & d’aller dans la salle d’attente. Les voix se firent de plus en plus nombreuses & de plus en plus fortes. « Pourquoi j’ai fait pleurer maman ? Pourquoi je suis comme ça ? Pourquoi je fais ça ? Pourquoi ? » & elle scrutait les fenêtres dotées de petits barreaux blancs. Elle se demandait si elle mourrait si jamais elle sautait par la fenêtre. & puis, elle se dit qu’elle était trop bête, qu’elle ne pourrait pas le faire car la dame de l’accueil la surveillait, & qu’en plus, il y avait des barreaux à ces fenêtres.


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