Anathema

I've lost my mind.

http://anathema.cowblog.fr/images/michaelcrichtonsharonstonemichaeldouglas.jpgDans ce monde où tout n'est qu'éphémère, mais où tout se répète éternellement, où la vie n'a pas de réelle signification : Il y a ces deux âmes perdues, tellement différentes, qui mélangent leur corps dans une danse de plaisir violente. Ils vont s'aimer pendant quelques heures, le temps que leur étreinte se termine. Sans sentiment. Ils n'échangèrent aucun mot. Ils recherchent la même chose, le plaisir, & fuient les mêmes sentiments, l'amour & la douleur. Alors ils baisent, oui c'est bien le mot, sans se connaître. L'amour ne dure jamais, alors à quoi bon courir inutilement après ? Pensent-ils. Ils n'aiment plus aimer, ils n'aiment pas souffrir, ils ont donc décidé d'arrêter. Ils tentent de chercher une âme semblable à la leur, qui ne chercherait pas  d'amour, mais uniquement du plaisir sexuel qui ferait presque oublier leur vie. Qui leur ferait presque oublier qu'ils ont trop souffert & qu'ils ont la trouille d'avoir mal encore une fois. La vie n'est jamais celle qu'on voudrait avoir, mais est-ce qu'elle existe réellement cette vie ? Alors ils décident de rester un instant dans les bras d'une personne inconnue, qu'ils ne reverront sans doute jamais, mais qu'ils leur feront oublier l'espace de quelques heures cette réalité qu'ils fuient comme un cauchemar sans fin. Ne serait-ce pas ça la bonne solution ? Parce qu'au fond, ils ne peuvent l'oublier, l'effacer. Faire comme si elle n'avait jamais existé, cette personne en particulier, qu'ils ont tant aimé, mais qui a fini par partir. Ils détestent l'amour pur, & tout ce qui va avec.


"Killing isn’t like smoking, you can quit."


http://anathema.cowblog.fr/images/009GPFTehillaBlad001.jpg"- J’ai voyagé. J’ai été obligée de m’en aller quelques temps. Tu t’es fait du souci ?
- Non. Tu t’en sors toujours. Tu es là. Et comment ça se passe avec … avec ton nouveau tuteur ?
- Ça va bien. Pas de souci.
- Et pour la révocation de ta tutelle ?
- T’as pas à te faire de souci pour moi. Je vais m’en occuper, c’est plus ton travail maintenant.
- Je suis qu’un vieil homme malade. Je suis un vieillard malade. Un vieil homme stupide.
- Ça c’est sûr. Tu es un vieil homme stupide quand tu dis ce genre de choses."


Au bout de plusieurs années de non-dits, la muette apprit peu à peu à parler de ce qu'elle vivait. Tout commença dans le bureau d'une spécialiste des malades mentaux, par un questionnaire oral, avec des réponses en Oui ou Non.

" - Vous vous sentez seule ?
- Oui.
- Vous avez des idées noires ?
- Oui.
- Vous avez envie de mourir ?
-
Non.
- Vous seriez prête à tuer des gens ?
- Oui."


Jamais on ne lui avait posé de questions de la sorte. Alors, jamais elle n'avait apprit à répondre. Elle se rongeait les ongles pendant les silences interminables qui entrecoupaient les questions. & puis, elle se levait, payait et repartait.
Suite à ce questionnaire, la muette fut enfermée dans un asile pour malade mentaux, appelé plus communément, hôpital psychiatrique. Subissant perpétuellement les interrogatoires des hommes en blouses blanches, elle se mit à leur répondre ce qu'ils voulaient entendre pour qu'on la laisse tranquille.
Mais un jour, une jeune stagiaire lui posa des questions fâcheuses & la muette en fut toute bousculée.

" - Vous ne parlez pas. Pourquoi vous ne parlez pas ?
- J'ai honte.
- Honte de quoi ?
- Je sais pas. Quand je parle de moi j'ai honte. Quand je parle de ce que je ressens, j'ai honte. J'ai honte de ressentir des choses. Quand on lit ce que j'écris, j'ai honte. Quand on écoute mes chansons, j'ai honte. J'ai honte d'être moi, je crois. C'est constant.
"

La balle fut enfin dans le camp de la muette. L'objectif ? Ne plus avoir honte de parler. Alors, la muette commença à parler d'elle à ses proches, un peu, & tous s'éloignèrent un à un. Presque tous.
Alors, la muette décida de redevenir muette. De ne plus parler, parce que lorsqu'elle parlait, les gens fuyaient, pleuraient, riaient. Ceux là mêmes qui lui disaient "Si tu vas mal, nous sommes là pour toi. Il faut nous le dire."
La muette ne parle plus. La muette n'a jamais vraiment réussi à parler, à vrai dire. La muette reste muette lorsque tout va mal, & parle lorsque tout va bien. La muette bloque les émotions & se constitue un masque souriant, un masque vivant.
Si vous trouvez la muette en train de pleurer, ses larmes cesseront systématiquement lorsqu'elle entendra vos pas & un sourire les remplacera dans la seconde suivante. Si la muette décide enfin de vous parler, une fois confrontée à vous, les mots refuseront de sortir de sa bouche. Si vous appelez la muette lorsqu'elle est en train de broyer du noir, elle donnera à sa voix la même tonalité qu'à l'habituel. Si vous lui dites "On dirait que ça va pas, toi ..." , elle vous répondra "Si, si, ne t'inquiète pas, je vais très bien, je suis juste fatiguée." Même au bout de la quinzième fois. Si la muette éprouve trop de douleur pour réussir à contenir ses larmes, elle se mettra à pleurer juste à côté de vous, vous tournant la tête, le dos, esquivant votre regard, silencieusement, & vous ne vous en rendrez même pas compte.
Ce n'est pourtant pas si compliqué à dire. "Je ne vais pas bien." & pourtant, la muette n'a jamais réussi à prononcer cette phrase.





J’ai comme l’envie de retirer les choses. Une à une. Il y a quelque chose dans mon sang. Du trop d’alcool peut-être, autant que de n’importe quoi, que ce soit de l’amour, de la niaise passion ou bien je ne sais quelle minuscule chose périmée qui vous serre les muscles & vous donne les mots difficiles. Les draps sont sans dessus & sans dessous, retournés, étalés & sales. Du sang dessus, j’ai oublié de quelle personne il s’est déversé. Autant que j’ai oublié si c’est moi qui l’avait étalé là, après avoir martelé doucement & avec attention, ou s’il était sorti seul, comme quelque chose de presque libre de s’enfuir.
 
Je garde le souvenir des corps, pas des mots, parce que je ne veux pas me rappeler de la couleur qu’ils donnaient au jour où je les ai entendus. J’y préfère un peu de sueur & de violence, parce cela rend les choses grises & coulantes, qu’ainsi tout est plus défini & cadré. Je garde le souvenir des mimiques, des traits du visages stupéfaits & construits en fonction d’une émotion, mais j’ai oublié laquelle. Je sais qu’ils sciaient le visage en le tordant de rides, & que j’ai ri en voyant à quel point c’était complexe. & à quel point ça voulait parler à mes yeux sourds, en vain. Je garde le souvenir du demi-plaisir, de cette sorte de sensation mi-amère, du calme menteur de l’ensuite, & d’un ensemble de syllabes inutilement prononcées, parce que c’est l’usage de parler dans une sorte de fatigue fatidique.
 
Je n’ai pas quitté la chambre, j’y ai bu quelque chose en écoutant de la musique. Le corps était certainement là, mais comme oublié par la pièce & par la voix de je ne sais plus qui. J’avais du mépris dans le sang, je pouvais le sentir, le toucher avec mes doigts & palper la bosse tordue qu’il dessinait sur mes veines. Je voulais le cracher dans la pièce, le vomir sur les objets & sur la voix , le vomir par-delà la voix, juste derrière. J’ai vu le corps. J’ai voulu le toucher, le prendre encore une fois, parce que mon sang retournait mes veines & que c’était facile ; qu’il suffisait de s’allonger, de ne rien faire que de décider de l’endroit où s’infiltrer, d’enfin tordre sa propre peau en utilisant celle de l’autre.
 
C’est là que je ne sais plus ; si je suis parti, si j’ai quitté les objets informes & le corps putride, ou si j’ai frappé avec la bouteille qui avait dilué l'alcool dans mes veines. Si j’ai créé du sang ou si ce dernier est venu seul se poser dans mes mains & sur mon corps.
 
http://anathema.cowblog.fr/images/Sanstitre-copie-5.jpg"La question rituelle du matin.
Comment te sens-tu aujourd'hui ?
"Bien, bien, tranquille, déterminé, attentif, volontaire. Que du plus !"
Janet sourit, elle a dû en voir défiler des alcoolos, des paumés qui lui tendent les bras, perdus, éperdus, et sous le regard voilé de lassitude, la dernière étincelle. Celle qui dit : "Je veux y croire, ça va marcher hein ?"
Et l'on y croit tous au sourire de Janet qui s'illumine à chacune de nos paroles lorsqu'elles signalent un pas, un premier pas, vers le salut."



Elle marchait dans la rue en voyant le temps défiler sous ses yeux mais sans s'en soucier réellement. Il faisait beau, les gens souriaient sans raison particulière. Elle ne souriait qu'à moitié, elle connaissait bien trop ces belles journées de chaleur, où tout le monde avait l'air heureux, où on avait l'impression que cette fois ci le beau temps resterait. Oui elle les connaissait ces journées bien trop belles, bien trop parfaites. Alors non elle ne souriait pas vraiment, pas comme les autres, pas inconsciemment.
Vous voulez que je vous dise la vérité ?
Elle déteste le bonheur, les sourires & les paroles en l'air. Oui elle déteste voir les gens heureux, elle les trouve débiles avec leur sourire collé sur la gueule & leur bonheur qu'ils affichent à tout le monde, ils sont si égoïstes. & pourtant elle aussi était comme ça avant, à rire sans raison valable, à montrer son bonheur aux autres. Combien de fois s'était-elle retrouvée à sourire à la foule des recalés de la vie ? Combien de fois s'était-elle retrouvé à se rouler dans l'herbe en plein soleil ? Les petits plaisir de la vie, cette vague de chaleur qui traverse tout le corps, elle aussi l'avait connue. Mais aujourd'hui chaque minute, chaque seconde est un supplice, une souffrance perpétuelle, sans fin. Elle se sent fatiguée, usée, détruite, rejetée. Elle a l'impression que son coeur, son estomac, ses poumons se détruisent en millier de petites parcelles.
Alors pour oublier, effacer, masquer, cacher cette peine, il lui faut son petit bout de paradis qui la détruit, une dose. De l'héroïne de préférence, si elle n'a pas assez d'argent tant pis ce sera de la coc', du LSD, du shit ou bien de la kétamine. Une seringue, une dose, & elle plonge. Alors elle se laisse porter, couler... Elle ne sent plus la douleur.
Comme un blessé prendrait de la morphine, elle, la camée, prend de l'héroïne.
Elle s'en doute, elle le sait que ça la détruit petit à petit, un peu plus à chaque seringue plantée dans le bras. Mais elle s'en fout, elle n'y pense même plus, ça lui est égal.
C'est dans ces moments là qu'elle sourit aux autres, les gens heureux, vous savez, quand elle n'est plus vraiment elle-même. Qu'elle se retrouve comme eux à sourire sans raison particulière ou alors peut être parce qu'elle est bien.
& puis il y a Lui. Lui, elle le déteste, elle le hait, à un point que vous n'oseriez même pas imaginer, à un point indescriptible. Dès qu'elle le voit c'est comme si le monde s'écroulait sous ses pieds, un mal être lui colle à la peau & son corps entier souffre, elle en hurlerait presque de douleur. Si elle pouvait le tuer ? Elle ne le ferait même pas, elle ne pourrait pas, parce que le problème c'est qu'elle l'aime autant qu'elle le hait.
Elle le déteste parce qu'il l'a détruite, parce qu'elle n'est plus vraiment elle-même depuis qu'elle le connait, & ça lui fout la trouille de ne pas se reconnaître & de se dire, rien qu'une seconde, qu'elle pourrait être heureuse. Elle ne veut pas redevenir comme ces gens qu'elle méprise tant. Elle ne veut pas ce sourire à la con collé sur sa gueule de camée. Elle a peur de se perdre comme elle s'est déjà perdue, & de ne pas se retrouver. Elle n'y comprend plus rien, elle explose, elle réfléchit trop ... Elle n'a pas envie encore un fois de se retrouver comme toute cette bande de cons, qui ne savent pas ce qu'ils veulent, ni qui ils sont, qui se laissent porter par la vie, les yeux bandés & les mains liées dans le dos.
Un peu comme elle en réalité, mais elle ce n'est plus la vie, c'est la drogue & l'espoir de ne plus espérer qui la portent. & qui la tuent ...


 

<< Page précédente | 1 | Page suivante >>

Créer un podcast