http://anathema.cowblog.fr/images/Sanstitre-copie-5.jpg"La question rituelle du matin.
Comment te sens-tu aujourd'hui ?
"Bien, bien, tranquille, déterminé, attentif, volontaire. Que du plus !"
Janet sourit, elle a dû en voir défiler des alcoolos, des paumés qui lui tendent les bras, perdus, éperdus, et sous le regard voilé de lassitude, la dernière étincelle. Celle qui dit : "Je veux y croire, ça va marcher hein ?"
Et l'on y croit tous au sourire de Janet qui s'illumine à chacune de nos paroles lorsqu'elles signalent un pas, un premier pas, vers le salut."



Elle marchait dans la rue en voyant le temps défiler sous ses yeux mais sans s'en soucier réellement. Il faisait beau, les gens souriaient sans raison particulière. Elle ne souriait qu'à moitié, elle connaissait bien trop ces belles journées de chaleur, où tout le monde avait l'air heureux, où on avait l'impression que cette fois ci le beau temps resterait. Oui elle les connaissait ces journées bien trop belles, bien trop parfaites. Alors non elle ne souriait pas vraiment, pas comme les autres, pas inconsciemment.
Vous voulez que je vous dise la vérité ?
Elle déteste le bonheur, les sourires & les paroles en l'air. Oui elle déteste voir les gens heureux, elle les trouve débiles avec leur sourire collé sur la gueule & leur bonheur qu'ils affichent à tout le monde, ils sont si égoïstes. & pourtant elle aussi était comme ça avant, à rire sans raison valable, à montrer son bonheur aux autres. Combien de fois s'était-elle retrouvée à sourire à la foule des recalés de la vie ? Combien de fois s'était-elle retrouvé à se rouler dans l'herbe en plein soleil ? Les petits plaisir de la vie, cette vague de chaleur qui traverse tout le corps, elle aussi l'avait connue. Mais aujourd'hui chaque minute, chaque seconde est un supplice, une souffrance perpétuelle, sans fin. Elle se sent fatiguée, usée, détruite, rejetée. Elle a l'impression que son coeur, son estomac, ses poumons se détruisent en millier de petites parcelles.
Alors pour oublier, effacer, masquer, cacher cette peine, il lui faut son petit bout de paradis qui la détruit, une dose. De l'héroïne de préférence, si elle n'a pas assez d'argent tant pis ce sera de la coc', du LSD, du shit ou bien de la kétamine. Une seringue, une dose, & elle plonge. Alors elle se laisse porter, couler... Elle ne sent plus la douleur.
Comme un blessé prendrait de la morphine, elle, la camée, prend de l'héroïne.
Elle s'en doute, elle le sait que ça la détruit petit à petit, un peu plus à chaque seringue plantée dans le bras. Mais elle s'en fout, elle n'y pense même plus, ça lui est égal.
C'est dans ces moments là qu'elle sourit aux autres, les gens heureux, vous savez, quand elle n'est plus vraiment elle-même. Qu'elle se retrouve comme eux à sourire sans raison particulière ou alors peut être parce qu'elle est bien.
& puis il y a Lui. Lui, elle le déteste, elle le hait, à un point que vous n'oseriez même pas imaginer, à un point indescriptible. Dès qu'elle le voit c'est comme si le monde s'écroulait sous ses pieds, un mal être lui colle à la peau & son corps entier souffre, elle en hurlerait presque de douleur. Si elle pouvait le tuer ? Elle ne le ferait même pas, elle ne pourrait pas, parce que le problème c'est qu'elle l'aime autant qu'elle le hait.
Elle le déteste parce qu'il l'a détruite, parce qu'elle n'est plus vraiment elle-même depuis qu'elle le connait, & ça lui fout la trouille de ne pas se reconnaître & de se dire, rien qu'une seconde, qu'elle pourrait être heureuse. Elle ne veut pas redevenir comme ces gens qu'elle méprise tant. Elle ne veut pas ce sourire à la con collé sur sa gueule de camée. Elle a peur de se perdre comme elle s'est déjà perdue, & de ne pas se retrouver. Elle n'y comprend plus rien, elle explose, elle réfléchit trop ... Elle n'a pas envie encore un fois de se retrouver comme toute cette bande de cons, qui ne savent pas ce qu'ils veulent, ni qui ils sont, qui se laissent porter par la vie, les yeux bandés & les mains liées dans le dos.
Un peu comme elle en réalité, mais elle ce n'est plus la vie, c'est la drogue & l'espoir de ne plus espérer qui la portent. & qui la tuent ...